En Floride et dans le golfe du Mexique, la pêche récréative aux gros poissons fait partie de la vie tout au long de l’année. Qu’elle se pratique en bateau ou à partir du rivage, elle attire annuellement en Floride plus ou moins quatre millions de pêcheurs créant entre 8 000 et 10 000 emplois et des retombées économiques de 10 millions de dollars environ.
Une activité qui cependant jette dans les océans une importante quantité de nourriture pour attirer toutes sortes de poissons, du plus petit au plus gros. Or les requins en milieu naturel, même s’ils peuvent chasser des proies vivantes, sont avant tout des prédateurs opportunistes, se nourrissant de proies de préférence faibles, malades ou mortes, comme les cadavres de cétacé. Ainsi, on remarque de plus en plus de requins venant se nourrir près des bateaux, les suivant parfois à la sortie des ports plutôt que de chasser des proies sauvages. C’est là un changement de comportement qui semble s’opérer chez les requins du golfe du Mexique. Ce phénomène est appelé déprédation, qui désigne l’abandon progressif par les requins de la chasse, au profit de proies plus faciles et accessibles sans efforts.
Les requins profitent de la situation, mais en sont parfois les victimes
Le sens très développé de l’odorat des requins leur permet de repérer leurs proies à plusieurs kilomètres de distance. Les quantités énormes d’appâts pour la pêche en haute mer ne peut que les attirer et pourquoi s’en priveraient-ils ? Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent qu’un requin arrive à manger partiellement ou en entier un poisson accroché au bout de la ligne d‘un pêcheur avant que celui-ci ne puisse le sortir de l’eau.
Les pêcheurs peuvent en être frustrés, mais c’est également dangereux pour les requins : ceux-ci peuvent briser une ligne et l’avaler avec les hameçons, ce qui peut provoquer des dommages au niveau de leurs organes internes. D’autre part, si on les sort de l’eau trop longtemps pour être décroché d’une ligne, cela peut avoir des effets secondaires mortels pour eux, tout comme dans le premier cas.
Nuisance pour l’économie de la pêche
De façon générale, la pêche, qu’elle soit commerciale, sportive ou récréative, se trouve souvent confrontée à la présence des requins et des cas de déprédation directe sont de plus en plus souvent rapportés par les pêcheurs. De plus, ces derniers doivent bien souvent faire face à une augmentation du temps de manipulation pour effectuer des réparations sur le matériel et les équipements, ou encore assumer des coûts supplémentaires associés aux changements de lieux de pêche afin d’éviter ces interactions avec les requins.
FAU chargée d’enquêter sur la déprédation
Peu d’études ou pas ont été faites à ce jour pour quantifier l’impact de la déprédation des requins lors des pêches commerciales et récréatives dans le sud-ouest des États-Unis et le golfe du Mexique. Pour remédier à cela, plusieurs États du golfe du Mexique ont octroyé à la FAU Harbor Branch une subvention de 195 300 $ via la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
L’objectif est de recueillir des données permettant d’évaluer la prévalence de la déprédation des requins dans la pêche récréative et d’identifier l’ampleur du problème afin de proposer des types d’atténuation possibles.
Pour ce faire, les scientifiques de l’Institut océanographique Harbor Branch de la Florida Atlantic University, en collaboration avec l’Université d’État du Mississippi, utilisent une méthodologie de recherche scientifique innovante dite citoyenne. En effet, ils impliquent les pêcheurs récréatifs afin d’évaluer le problème avec leur collaboration. Le fait d’intégrer leurs connaissances dans un processus scientifique ne peut qu’augmenter la quantité et la qualité des données et leur donner plus de confiance dans les résultats scientifiques qui seront présentés en conclusion.
Les chercheurs ont donc utilisé des systèmes de relevés embarqués, des vidéos, des analyses génétiques et même les médias sociaux. Ainsi, les données recueillies à partir de groupes Facebook ont permis de mieux saisir l’ampleur et la complexité potentielles du problème et d’identifier les différents groupes de gestion des pêches qui devront interagir pour le résoudre. Cela a aussi permis de développer une compréhension plus profonde des préoccupations et des croyances spécifiques inhérentes à chacun de ces groupes sur la pêche récréative.
Équipe multidisciplinaire
Le projet rassemble entre autres des chercheurs ayant des expertises complémentaires, notamment en écologie des pêches, en biologie et en comportement des requins, et en techniques quantitatives.
L’équipe multidisciplinaire de la FAU Harbor Branch placée sous la direction de Matt Ajemian, Ph.D., chercheur principal, professeur de recherche adjoint et directeur du laboratoire d’écologie et de conservation des pêches, comprend également la co-chercheuse principale Lauran Brewster, Ph.D., et Michael McCallister, MSc., coordinateur de recherche, tous deux au sein du laboratoire d’écologie et de conservation des pêches.
Leur travail est de planifier l’échantillonnage sur le terrain, d’effectuer des analyses statistiques et de compiler des ensembles de données. Les chercheurs utilisent entre autres une méthode médico-légale récemment établie qui consiste à écouvillonner (prélever avec un tampon) les morsures laissées par les requins sur les poissons cibles que les pêcheurs récupèrent. Cette technique développée par Marcus Drymon, Ph.D., professeur adjoint de vulgarisation à l’Université d’État du Mississippi, permet de recueillir l’ADN restant de la bouche du requin, qui est ensuite analysé en laboratoire à l’aide d’un méta-code-barres V pour identifier les prédateurs.
Les résultats du projet doivent être utilisés pour développer plusieurs produits d’éducation et de sensibilisation. N’oublions pas que les requins jouent un rôle de nettoyeur des océans et de régulateur des espèces, contribuant ainsi à l’équilibre de l’écosystème dans lequel ils évoluent.
SOURCES : www.fau.edu/newsdesk/articles – www.wikipedia.org