Francis Généreux, économiste principal, Mouvement Desjardins
L’année 2022 a été une période de revirement pour le marché américain de l’habitation. Très vigoureux en tout début d’année, il fait maintenant face à des vents contraires qui ont amené une chute de plusieurs indicateurs qui y sont liés. On observe ainsi depuis plusieurs mois des reculs de la construction, de la revente et des prix.
Est-ce que la Floride peut échapper à cette lourde tendance ? Pour le moment, elle semble mieux faire face aux différents facteurs qui minent l’activité au sein du marché immobilier. Son économie se porte aussi mieux que celle des États-Unis dans leur ensemble. Ainsi, alors que le PIB réel américain se montrait au deuxième trimestre 3,5 % plus élevé qu’à la fin de 2019, la croissance cumulée a été de 9,1 % en Floride. Le taux de chômage était en septembre dernier bien plus bas en Floride (2,5 %) qu’aux États-Unis (3,5 %). Évidemment, cette surperformance a un coût : l’inflation est bien plus élevée en Floride que pour la moyenne américaine. Le taux d’inflation se mesurait à 10,5 % en septembre dans la région de Tampa-St. Petersburg-Clearwater et à 10,1 % en octobre dans la région de Miami-Fort Lauderdale-West Palm Beach. Aux États-Unis, le taux d’inflation était de 8,2 % en septembre et de 7,7 % en octobre.
La forte inflation qui hante les États-Unis (et la Floride) implique cependant des complications. Premièrement, le revenu disponible réel des Américains est miné par la hausse du coût de la vie et cela affecte leur capacité à consommer. Deuxièmement, les augmentations de prix et de salaires nuisent à la profitabilité des entreprises. Troisièmement, l’inflation trop élevée provoque une nécessaire réaction de la part de la Réserve fédérale qui a rapidement augmenté ses taux directeurs en 2022. Quatrièmement, le resserrement de la politique monétaire et l’augmentation des anticipations inflationnistes de court terme ont amené de fortes hausses des taux d’intérêt de marché, notamment du côté des taux hypothécaires. Tous ces facteurs incitent à penser que l’économie américaine connaîtra une légère récession en 2023.
L’incertitude entourant les perspectives économiques pourrait être un facteur négatif pour le marché immobilier, mais la principale raison de la chute de l’activité au sein de l’habitation est de loin la très forte hausse des taux d’intérêt hypothécaires. En moyenne nationale et pour un terme de trente ans, le taux est passé de 3 % à la fin de 2021 à plus de 7 % en octobre. Cette augmentation est au cœur du revirement du marché résidentiel américain. Depuis la fin de l’année dernière, les demandes de prêts hypothécaires en vue d’un achat ont chuté de 48,0 %.
On remarque aussi, à l’échelle nationale, des baisses de 18,6 % des mises en chantier résidentielles, de 17,5 % de l’octroi de permis de bâtir, de 28,1 % des ventes de maisons individuelles neuves, de 22,0 % des ventes de maisons individuelles existantes et de 27,9 % des ventes de copropriétés existantes.
Du côté des prix, la baisse reste jusqu’à maintenant plus modeste, l’indice S&P/Case-Shiller du prix des propriétés existantes a diminué de seulement 2,1 % depuis le sommet cyclique de juin 2022 et il demeure 7,4 % au-dessus du niveau de décembre 2021. On s‘attend cependant à ce que les baisses de prix se poursuivent au cours des prochains trimestres.
Jusqu’à maintenant, la chute des indicateurs liés au marché immobilier est surtout issue de la côte ouest des États-Unis. Le recul des prix est de seulement 0,1 % dans la région de Miami et de 0,5 % dans celle de Tampa. Il semble donc y avoir un effet régional qui favorise, pour le moment, la région Atlantique-Sud, incluant la Floride. Cela dit, la hausse des taux hypothécaires fait mal partout. La Floride pourrait échapper au pire de la débâcle, mais elle ne pourra pas en être complètement immunisée.