Une nouvelle étude publiée dans Nature révèle qu’un vaste système de courants marins dans l’océan Atlantique est en train de se réchauffer alors qu’il contribue à réguler la température de la planète Terre. Impact direct : la montée des eaux.
La température et la salinité des eaux profondes au large des États-Unis sont suivies attentivement par une équipe de scientifiques depuis 40 ans, à l’aide de capteurs ancrés à plus de 1 600 mètres de profondeur dans l’océan sur un réseau qui s’étend à l’ouest des Bahamas à travers l’océan Atlantique. Les résultats montrent que les eaux traditionnellement froides deviennent plus chaudes et plus salées, pouvant provoquer une hausse supplémentaire du niveau de la mer et même modifier le courant en lui-même. L’augmentation de la salinité modifie la densité de l’eau et peut affecter la circulation des courants.
De combien ? Ce n’est pas encore clair d’après Leah Chomiak, l’auteure principale de l’étude menée par l’Université de Miami (UM) et l’Institute for Marine and Atmospheric Research de Virginia Key en coopération avec la National Oceanic and Atmospheric Administration.
Qu’est-ce que l’AMOC ?
L’AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation) est un courant océanique majeur qui peut être comparé au système circulatoire du corps humain, d’après Chomiak.
Dans les faits, l’AMOC collecte l’eau chaude des petits courants tropicaux (qui peuvent alimenter les ouragans) et la transporte vers le nord, où elle peut réchauffer les eaux polaires et se refroidir, avant de revenir vers le sud. Dans l’équilibre climatique de la Terre, ce mécanisme joue un rôle essentiel : il répartit la chaleur latente, les nutriments essentiels et le CO2 à travers les océans.
Si de nombreux chercheurs s’inquiètent déjà du ralentissement de l’AMOC en raison du réchauffement climatique, cette nouvelle étude rend les choses encore plus compliquées, car l’arrivée d’une masse d’eau plus chaude et plus salée pourrait non seulement perturber la circulation des courants, mais aussi accélérer l’élévation du niveau de la mer. Heureusement, même si l’éventualité d’un effondrement de l’AMOC fait l’objet d’une attention croissante, les scientifiques s’accordent sur un ralentissement du courant, mais sans danger immédiat d’une disparition totale, ce qui serait catastrophique.
Température et salinité
En examinant les données de plus près, Chomiak a découvert une tendance au refroidissement et à la dilution des eaux polaires, qui coïncidait avec une longue période de temps orageux. Elle précise : « Un épisode de refroidissement et de dilution s’étalant sur plusieurs décennies a commencé dès les années 1960. »
Cet épisode a été baptisé par les scientifiques « la grande anomalie de salinité ». Chomiak ajoute : « C’était une période anormale qui a laissé une empreinte dans les eaux océaniques — une empreinte que l’on peut encore observer 20 ans plus tard, alors que ces eaux se déplacent vers le sud ».
Les observations indiquent qu’il faut environ 20 ans à cette « empreinte » pour parcourir le trajet entre les eaux subpolaires et les zones subtropicales de l’Atlantique Nord. Aux alentours de l’an 2000, une augmentation de la température et de la salinité a été détectée dans les eaux subpolaires. Si cette chronologie se confirme, explique Chomiak, des eaux plus chaudes et plus salées devraient déjà commencer à se manifester en ce moment — ou sont peut-être déjà présentes — dans les profondeurs au large des côtes américaines.
Ces changements pourraient non seulement accélérer la montée du niveau des mers, mais aussi perturber le fonctionnement du courant lui-même, puisque la température et la salinité influencent la densité de l’eau, et donc sa capacité à monter ou descendre dans l’océan.
Conséquences
D’après la chercheure, l’une des principales questions à se poser d’un point de vue sociétal est : « Quelles seront les conséquences pour nos communautés côtières ? » Elle répond : « Nous n’avons pas vraiment, disons, cent ans de données quantitatives
sur les océans pour affirmer : Oui, on a déjà vu ça, et on sait exactement ce qui va se passer ». D’où l’importance de continuer les recherches afin d’évaluer pleinement les risques potentiels pour le climat et les communautés côtières.